« La chance sourit aux innocents »
Une information de Tsahal sur le Liban, reprise dans un média russe et voici que, plus de 40 ans après, un souvenir me revient sur le Drone TU143 DR3 en RDA du temps de la MMFL : 7 DR 3 et leurs Mig 23 Flogger « suiveurs ».
Rédacteur : Jacques Suspène.
Un article récent paru dans un média russe, rapporte la destruction par l’armée israélienne d’un site de lancement d’un possible Drone Russe TU 143. Cet article bien documenté suggère que la provenance de ce système d’armes, retiré depuis de très longues années de l’arsenal Russe et jugé comme obsolète, pourrait être syrienne ; ce pays l’ayant encore en dotation.
Le Hezbollah aurait ainsi largement modifié cet armement, notamment son système de lancement, afin de pouvoir le dissimuler dans des sites de lancements sommaires parfaitement dissimulés dans l’environnement local. Si cette information est confirmée, elle démontre une nouvelle fois les capacités inventives et techniques de ce mouvement terroriste. Une charge militaire (plus de 100 kg d’explosifs) aurait remplacé les divers éléments de reconnaissance de la charge initiale, transformant ainsi un drone en missile de croisière d’une portée de 200km avec une vitesse de 950 km/h. Selon d’autres sources, les Ukrainiens auraient également transformé et utilisé leurs DR3 comme missiles de croisière à l’encontre de certaines raffineries russes.
Images et restitutions communiquées par l’armée israélienne
Cette information m’a rappelé un épisode de ma vie de Missionnaire, partagé avec deux compagnons dont Philippe, le super secrétaire de notre amicale, excellent photographe et surtout fidèle ami. Le troisième larron était Loïc, fidèle ami aussi, dont j’évoquais le souvenir dans un précédent article (Opération sauterelles).
Au début des années 1980, pour la première fois ce système d’armes nouvellement introduit dans l’arsenal soviétique était déployé en RDA et devenait l’un des objectifs prioritaires pour les trois Missions occidentales afin d’en déterminer ses capacités et modes de déploiement.
Le drone TU 143 DR 3 « Flight » - photo presse russe
Un convoi des composants de ce système d’armes se déplaçant sur route avait été observé, notamment par un équipage Terre de la MMFL, confirmant ainsi sa présence dans les forces soviétiques présentes en RDA. Cette observation recoupait ainsi les interceptions de nos centres de Guerre Electronique et les informations émanant notamment du 2ème Bureau de l’Etat-major de l’Armée de l’Air (EMAA 2B).
Les interceptions des centres d’écoute des trois alliés occidentaux réalisées sur les premiers vols des DR3 en RDA nous apportaient des éléments précieux pour la réalisation de nos futures observations.
En effet de nombreux indices particuliers apparaissaient et permettaient aux analystes de ces centres d’interception de détecter avec un léger préavis la préparation d’une activité « Drones ». Immédiatement ces indices étaient communiqués aux trois Missions Militaires Alliées.
Sur le territoire de la RDA, cette activité se caractérisait particulièrement par le fait que chaque lancement nécessitait la présence d’un « avion suiveur » et la mise en alerte des aérodromes militaires soviétiques de la zone de vol et des stations radars associées.
C’est ainsi que le recoupement de ces indices permettait de définir une zone probable de lancement ainsi que la zone probable de récupération de l’engin. Les éléments analysés avaient également permis de constater une certaine homogénéité dans les profils de vols. Départ face à l’Est et se terminant par un cap ouest. L’avion suiveur était toujours un chasseur MIG 23 Flogger configuré avec un armement réel et ayant pour but d’abattre le drone si ce dernier ne respectait pas sa trajectoire programmée.
Ainsi, dès la mise en alerte simultanée de stations radars et d’aérodromes dans un certain secteur de la RDA, nous estimions qu’il pouvait s’agir d’une possible activité Drones à venir. Et, au fur et à mesure de l’apparition de nouveaux indices sur ce sujet nous tentions alors d’en déterminer le plus précisément possible le secteur de vol.
Chacune des trois Missions procédait ainsi, ce qui permit à un équipage de BRIXMIS d’observer pour la première fois une zone de lancement et d’en réaliser les premières prises de vues.
Tous les équipages étaient sur le « qui-vive » pour « courir » après ces DR3 afin d’en obtenir le plus de renseignements techniques possibles et les meilleures photos.
Un jour en fin de journée, une information parvint à la MMFL, indiquant que pour le lendemain, l’aérodrome soviétique de Neuruppin recevrait une activité inhabituelle, que les autres terrains soviétiques ainsi que les stations radars du secteur nord de la RDA passeraient en phase d’alerte.
Terrain soviétique de Neuruppin – RDA – 1970
Ces indices étaient particulièrement intéressants d’autant que ce n’était pas un jour habituel d’activité pour cet aérodrome soviétique où stationnaient des SU 17 et 22 FITTER dont certains à vocation nucléaire
Par chance pour nous, ce secteur se trouvait pour cette période dans la zone de surveillance attribuée à la MMFL. Dès réception de ces éléments, Philippe, Loïc et moi-même désignés préalablement pour « une sortie de deux jours » fûmes chargés de la prise en compte de ce « nouvel objectif ».
Aussitôt la préparation de la mission commença avec une étude fine des cartes car ce terrain, enclavé dans des zones interdites, était assez délicat d’approche et les points d’observations (P.O) rares, donc à préserver précieusement.
Nous décidâmes de partir très tôt et de contourner largement la zone par le Nord et l’Est avant de replonger sur notre objectif.
Après de nombreux « coups de sécurité », de très nombreux détours par les forêts, nous nous installâmes en « point d’attente (P.A) », sous l’axe de piste mais à une bonne distance du terrain et éloignés de notre futur P.O.
Nous étions parfaitement camouflés, nos traces effacées et même recouvertes par des branchages.
Notre milieu de matinée fut marqué par l’approche et l’atterrissage, à grand intervalle, de deux ANTONOV 26 « Curl », dont un en « livrée » VIP. Cela nous mit du baume au cœur en nous faisant penser que quelque chose se passait ou allait se dérouler sur cette base. Mais aucun bruit de réacteur …calme plat. Également aucun bruit ou activité suspecte autour de nous, mais la vigilance restait permanente. Nous aurait-on oubliés ? Notre mise en place tortueuse serait-elle couronnée de succès ? Cependant tous nos sens étaient et restaient en éveil.
Dans nos imaginaires, nous rêvions que des autorités importantes avaient été emmenées par les « CURL », déjeunaient et que quelque chose de particulier se déroulerait ensuite.
Ces pensées nous ouvrirent l’appétit et à tour de rôle nous décidâmes de sortir nos « gamelles » et de manger.
Philippe attaqua le premier son repas. Sa première bouchée commencée, qu’au loin, à l’horizon, je vis un avion de combat à très basse altitude, que j’identifiais comme un Mig 23 Flogger en éloignement vers l’Est. Je n’osais identifier juste devant lui, un « objet volant ». Aussitôt « branle-bas de combat » au cas où. Puis nous entendîmes un bruit de réacteur se rapprocher, précédé d’un bruit plus strident.
Et, divine surprise, un magnifique DR3 surgit, suivi à très courte distance d’un MIG 23 Flogger armé de ses missiles air-air et le tout…au ras des arbres…
Nos appareils photos crépitèrent, nous « tenions » notre DR3. Nous sautâmes quasiment de joie.
Mais ceci n’était qu’un début. Le scénario se reproduisit à 7 occasions espacées de plusieurs dizaines de minutes. Nous avions l’impression que chaque passage se réalisait de plus en plus bas. Dans mon viseur j’avais l’impression que le cône arrière du drone remplissait mon écran. Je ne sais plus combien de films nous réalisâmes.
Puis survint un long silence, la nuit tombante arriva et nous quittâmes notre point d’Observation. Notre retour se réalisa en contournant la zone par le Nord et l’Ouest, afin de dissimuler au maximum notre « origine » et d’éviter une possible « embuscade ».
Devant l’importance des informations recueillies, je pris la décision comme Chef d’équipage, d’interrompre notre sortie « deux jours », de rentrer à la Mission afin d’en rendre compte immédiatement, de déposer nos films et d’en recompléter notre dotation.
Par ce cheminement retour, différent de l’aller, nous rejoignîmes Potsdam puis nos bâtiments opérationnels à l’Ouest par le fameux « Pont des Espions », la joie de la réussite dans nos esprits.
Commentaires :
Notre observation allait ainsi permettre d’affiner les connaissances sur les trajectoires de ces Drones :
Document publicitaire presse
Ceci permit ensuite l’observation par d’autres équipages de la séquence de récupération du DR3 par parachute.
En souriant, nous imaginions la tête des « interprétateurs-photos » soviétiques si ces Drones nous avaient filmés….
Nous étions conscients que la chance nous avait totalement souri et heureux de la justesse de la préparation de notre mission comme de nos choix tactiques. Un peu fiers aussi d’avoir imaginé que l’atterrissage des deux AN 26 était un bon présage.
La dernière étape à réaliser allait être pour notre Philippe car il allait devoir développer immédiatement les films, sans trembler, afin que René dès le lendemain matin puisse en réaliser des tirages et les remettre au plus vite à nos Alliés d’USMLM et de BRIXMIS, ainsi qu’à nos Etats-majors…et en espérant en retour, bouteilles de whisky anglais et de bourbon américain.
Philippe comme de coutume, accomplit de façon remarquable son métier de photographe de l’Armée de l’Air…bien qu’il soit « Arpète ». Tout comme le fit notre René le lendemain, lui aussi brillant photographe et « Arpète ».
Le développement terminé, après avoir rendu-compte de nos résultats à notre commandement et en avoir reçu le feu vert, nous repartîmes dormir à la « Villa » de Potsdam afin de réaliser très tôt le lendemain notre deuxième journée de mission. Mais auparavant nous fîmes halte dans un restaurant de Potsdam pour marquer notre « événement », mais pour des raisons de sécurité, sans l’arroser.
Merci aussi à nos camarades de « la Guerre Electronique » pour la qualité de leurs « écoutes ».
Les éléments décrits démontrent également que le Renseignement constitue une « chaîne » dont chaque élément est complémentaire.
Cette mission nous marqua longtemps car ce jour-là notre chance fut exceptionnelle. Heureusement pour les Missionnaires « Dame Chance » nous souriait souvent et nous permettait d’atténuer les souvenirs plus dramatiques et moins chanceux. Tout Missionnaire pourrait vous raconter des aventures de ce type.
Notre vie et expériences « sur le terrain » nous laissent des souvenirs immuables.
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