« La KOMENDATOURA de POTSDAM » Epilogue
Rédacteur : Jacques Suspène.
Avec cet épilogue se termine la publication du texte du Commandant LEGENDRE relatant son grave incident en RDA. Ses camarades Missionnaires et équipiers ont tous regretté son départ. Jusqu’à sa mort des liens étroits les ont unis.
Notre belle Amicale des Anciens de la MMFL (AAMMFL) se devait de rendre un hommage mérité aux Missionnaires de cet équipage.
« La KOMENDATOURA de POTSDAM » Epilogue
Dessin réalisé par l’auteur en couverture de son document
Un clin d’œil salvateur de l’Histoire au Commandant LEGENDRE
UNE PRIERE A MONTMARTRE
C’était par un joli mois de mai.
Pour des raisons inconnues de moi, la France et l’URSS - ainsi que l’on appelait la Grande Russie en ce temps-là -, toutes deux expertes en valses hésitations dans leurs relations, étaient soudain convenues que cette année même une délégation de l’Armée Soviétique serait invitée en France.
Le sort, ou plus probablement le Comité central du Parti, avait désigné comme Chef de délégation le Général-colonel X---------. Celui-ci était accompagné par un général moins étoilé,
mais probablement chargé de le chapeauter, ainsi que deux ou trois colonels et un interprète sortant de l’adolescence.
Quelques épouses accompagnaient cette délégation, et il avait été prévu pour elles des activités séparées, non militaires.
La visite devait durer une petite semaine.
J’étais à ce moment-là affecté à un état-major du Ministère de la Défense à Paris. En fait, j’étais un peu sur la touche et près de quitter l’Armée : quelques années auparavant j’avais été expulsé d’Allemagne de l’Est pour y avoir déplu aux Soviétiques et donc – par ricochet – à certaine autorité civile en France.
On requit néanmoins mes services et je me retrouvai porte-serviette du Général X-------- pendant toute sa visite.
C’était un homme agréable et à l’esprit ouvert.
Je savais qu’il avait coordonné l’invasion militaire de la Tchécoslovaquie en 1968. De façon très dostoïevskienne (‘il sait que je sais qu’il sait’), nous n’y fîmes pas allusion ; nous n’évoquâmes pas non plus la RDA/DDR qui avait été mon propre champ d’action à un plus modeste échelon.
Je l’accompagnai dans les présentations que l’Armée Française avait prévues : Mourmelon, Coëtquidan …
Nous nous réunissions chaque soir au Mess de Saint-Augustin où il était logé, et je lui expliquais en détail les activités du lendemain. Il me posait des questions judicieuses, sans être insistant. Nous conversions, échangeant des propos agréables.
Un soir, des Maoïstes en verve – jeunes gens qui admiraient une révolution dite ‘culturelle’ en Chine – avaient incendié une grande porte cochère juste face du Mess. X ------------ observant les choses depuis sa fenêtre, me dit son indignation :
« Mais pourquoi, pourquoi ? Et il n’y a pas de ‘militsia’ (police) ici ? »
Le samedi matin, dernier jour de la visite, l’activité prévue était toute différente et les épouses y participaient.
Nous commençâmes par la visite de l’appartement d’aspect fort bourgeois, où Vladimir Ilitch Lénine avait habité quand il vivait à Paris avant la Grande Guerre. Ce fut pour moi l’occasion d’observer que le général et sa suite étaient honorés par le guide-conservateur de ce petit musée - un Franco-Russe certainement bien choisi - non plus comme généraux ou colonels, mais comme ‘camarades’ (tovarichtchi), c’est-à-dire membre du Parti, sans mention aucune de grade ou de fonction.
Ensuite, nous partîmes pour Montmartre, où une heure avait été prévue pour contempler Paris depuis la terrasse du Sacré-Cœur.
J’eus alors bientôt la surprise d’être pris en aparté par Madame X---------- qui, avec une franche simplicité, me demanda la permission d’entrer dans l’église.
Je l’accompagnai.
Dans l’entrée elle me dit tout bas en russe : « S’il vous plait. Ai-je le droit de dire une prière ? »
Commentaire du rédacteur :
Quel beau clin d’œil de l’Histoire !
Ainsi après avoir été déclaré « Persona Non Grata (PNG) » par le Haut commandement Soviétique en RDA quelques années plus tôt, le Commandant LEGENDRE, brillant linguiste russe, se retrouve comme guide interprète auprès de cette haute délégation soviétique.
Quel beau symbole que « cette demande » de … prière par l’épouse d’un haut dignitaire militaire soviétique à l’ère communiste.
Grâce à ses récits, le Commandant LEGENDRE a permis aux lectrices et lecteurs de partager un moment si particulier de la vie d’un Missionnaire et des moments de vie en RDA. Merci à lui de nous avoir rappelé à nous, anciens Missionnaires, tant de souvenirs vécus et partagés en équipage durant nos inoubliables périples en RDA.
Au nom de notre Amicale, l’AAMMFL, je tiens aussi à remercier très vivement Madame Maria LEGENDRE de m’avoir confié ses textes et autorisé à les publier sous cette forme.
C’était pour nous « Missionnaires », l’occasion de rendre hommage à cet équipage, à son Chef et aussi de montrer aux lecteurs de notre Blog combien nos missions pouvaient comporter de risques.
Rappelons-nous aussi que cette année nous commémorons le quarantième anniversaire de la mort de notre Ami et Camarade, l’Adjudant-Chef Philippe MARIOTTI, tué le 22 mars 1984 dans une embuscade tendue par la Stasi à Halle-Lettin en RDA.
Jacques Suspène, Président de l’AAMMFL (Amicale des Anciens de la MMFL).
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