Petite histoire des plaques d'immatriculation des Véhicules des Missions de Potsdam
Cet article de Jean-Paul Staub nous offre un « éclairage » particulièrement riche sur les plaques d’indentification de nos véhicules. Certains anciens du quartier Napoléon se souviendront de nos entrées discrètes et sans contrôle à la porte principale du quartier Napoléon, avec des véhicules parfois boueux ou poussiéreux et de temps en temps endommagés ou sur remorque. Les membres de la MMFL, eux, se souviendront du souci que nous avions pour les rendre les plus discrètes possibles, ach ! ce fameux éclairage qui tombait toujours en panne et qui miraculeusement se rallumait au premier coup de pied sur le pare-chocs ! ... La légende selon laquelle un véhicule soviétique serait rentré au quartier Napoléon n’est pas étrangère au fait que certains confondaient parfois les véhicules des Missions alliés avec des véhicules soviétiques. Cyrillique quand tu nous tiens ! (NDLR- R.Pi).
Plaques des Véhicules ( VGL) des Missions alliées de Potsdam
PETITE HISTOIRE DES PLAQUES DE NOS VOITURES
L'ouvrage de référence sur les plaques et les véhicules des missions est sans conteste "Auf Spionage Tour" de Mark Prüfer. Qu’il soit vivement remercié de m’avoir laissé m’en inspirer. Cet article le complète, voire le rectifie sur quelques points mineurs. L’exposition « Guerres secrètes » qui s’est tenue au Musée de l’Armée d’octobre 2016 à janvier
Les plaques sur fond jaune que nous connaissons semblent avoir été introduites vers 1950, au début de l'époque où le rôle principal des missions avait basculé de la liaison vers le renseignement. Comment étaient immatriculés les véhicules des missions auparavant ? Au tout début, on peut penser simplement que les Missions ne disposaient pas de véhicules et n’avaient donc pas besoin de plaques : Rod Saar, dans son historique de BRIXMIS datant d’avril 2017, indique que sa première sortie opérationnelle dans ce qui était alors la Zone d’occupation soviétique a eu lieu deux jours seulement après la signature de l’accord Robertson-Malinine, à cheval ! Lorsqu’au fil des années 1940 les Missions furent progressivement dotées de voitures, on ne peut que présumer qu'elles suivaient le système d'immatriculation des véhicules militaires de leurs nations, ce qui expliquerait que leurs plaques n’aient rien eu de spécial qui retienne l'attention et qu'aucune plaque antérieure à 1950 ne soit connue.
De 1950 à 1960 environ, les plaques des missions occidentales faisaient référence à la "zone d'occupation soviétique" (СОВЕТСКОЙ ЗОНЕ). Nous ne possédons aucune plaque portant cette mention, mais la plaque 57 (voir photo) date bien de cette époque. La numérotation ne répondait apparemment à aucun système. La plaque 57 ne se situe effectivement pas dans la série 30 qui fut celle de la MMFL plus tard, de même que la plaque 59 de BRIXMIS, présentée par Mark Prüfer, ne se situe pas dans la série 1-19.
Franchissement de l’Elbe au début des années 50. L’adjudant Martin, en service à la MMFL d’avril 1953 à juillet 1955, ici avec l’appelé connu seulement par ses initiales E. de C., permet de dater approximativement la plaque n° 57. © AAMMFL
De 1960 environ à 1963, le terme de « liaison » (СВЯЗИ) apparaît sur les plaques ainsi que la mention du GFSA (ГСВГ). On peut noter qu’une directive de la Stasi (N° 2/60 du 20/02/1960) décrit les plaques. On peut du coup se demander si ce n’est pas la Stasi qui a poussé les soviétiques à faire référence au GFSA plutôt qu’à la zone d’occupation soviétique.
A partir de 1964 environ, l’immatriculation par séries est introduite (1-19 pour BRIXMIS, 20-29 pour USMLM et 30-39 pour la MMFL ; pour SOXMIS : 1-29 en zone américaine, 30-59 en zone britannique et 60-69 en zone française).
Plaques de la seconde moitié des années 60. Noter les angles arrondis, l’inscription ГСВГ en tête, la série 30, les nuances de jaune. © collection Yves Jan
et Pierre Raden
Encore un franchissement de l’Elbe… L’adjudant-chef Bruno, en service à la MMFL de mars 1960 à janvier 1965 puis de juillet 1967 à août 1971 en compagnie d’un sergent appelé. © AAMMFL
Jusqu’à la fin des années 60 au moins (jusque dans les années 70, selon Henri Jeannequin), ГСВГ figurait en tête des inscriptions. Il raconte l’anecdote suivante : « J’ai une plaque 35 authentique et opérationnelle qui a servi à l’époque où nos mécaniciens s’efforçaient, par petits rajouts discrets, mais progressifs incorporés à la peinture jaune serin qui servait de fond aux plaques, de les assombrir, pour éviter qu’elles soient d’une couleur trop voyante... Cette petite manœuvre a duré jusqu’au moment où les Soviétiques nous ont imposé des plaques neuves dont le jaune était toujours aussi éclatant ! Celle que je possède date donc des années 70 – 73. L’inscription en cyrillique pour désigner le GFSA est donc ГСВГ. » Alors qu’à l’origine les plaques étaient confectionnées par chaque mission, au début des années 70, elles le furent par les soviétiques pour imposer un modèle unique.
La plaque de Henri Jeannequin, datant des années 1970-73, exposée au Musée de l’Armée pour « Guerres secrètes ». © Henri Jeannequin
Plus tard (dans les années 80 ?), au lieu d’être peintes, les inscriptions sur les plaques furent réalisées à l’aide de plastique adhésif collé (cf. les lignes verticales sur la plaque n° 33, photo plus bas). Enfin, de 1989 à 1990, ГСВГ est remplacé par ЗГВ (groupes de forces ouest).
Les adjudants-chefs Bernard Bosch (à la MMFL d’août 1980 à octobre 1983) et Pierre Bach (à la MMFL de septembre 1970 à octobre 1975) en observation à côté de leur Mercédès G, dont la plaque date du début des années 1980. © AAMMFL
Plaque de l’époque de la fin des Missions, réalisée à l’ide d’adhésifs. Noter les angles vifs et l’inscription ЗГВ (abîmée, peut être collée sur une ancienne inscription ГСВГ). © Pierre Raden
L’anecdote de Henri Jeannequin illustre bien que les plaques des voitures de mission étaient destinées à faciliter leur identification de loin. D’ailleurs, tous ceux qui ont servi aux FFA connaissent les petits aide-mémoire destinés à rendre compte des observations de véhicules des missions soviétiques ; l’équivalent existait bien sûr à l’Est (ces aide-mémoire, sur lesquels figurent aussi des reproductions de plaques, pourraient d’ailleurs faire l’objet d’un article particulier). Aussi les missions s’efforçaient-elles de camoufler leurs plaques. Ceci était relativement aisé à l’arrêt, mais demandait un peu d’habilité quand la voiture roulait. Parfois la boue ou la neige fournissait un camouflage « naturel » (voir photo), un chiffon gras passé sur la plaque sur laquelle la poussière des chemins de RDA se déposait produisait le même effet par temps sec en été. Il était simple, en cas de détention, de passer un coup de chiffon sur la plaque pour la nettoyer tout en déplorant le mauvais état d’entretien des routes…
Une voiture de la MMFL par temps de neige… © AAMMFL
Quant aux plaques des missions soviétiques, on dispose paradoxalement de peu d’informations. On peut toutefois dire que la plaque n° 66, de SOXMIS en zone française, (photo ci-dessous) date vraisemblablement des années 60. Il est d’ailleurs curieux qu’il n’y ait apparemment pas d’archives faisant état d’une coordination entre alliés et soviétiques pour s’accorder sur le format et les inscriptions des plaques des missions alliées et soviétiques).
Je n'ai dû voir qu’une demi-douzaine de voitures des SOXMIS, croisées (ou doublées ce qui permettait de mieux les observer) sur une autoroute de transit ou à l’Ouest, ces voitures faisant certainement des trajets entre Wunsdorf (EM du GFSA) et leur siège en RFA. Entre « collègues », nous leur faisions un geste de la main ou un appel de phares, ils répondaient souvent.
Une plaque de la MMSL auprès du CCFFA, probablement des années 60. Collection particulière.
Et n’oublions pas les plaques, certes authentiques mais qui n’ont pas connu le « baptême de la RDA » et qui ont été offertes en cadeau de départ. Elles se reconnaissent par leur bon état et l’absence de trous de fixation, car, vous le savez, les plaques pouvaient être fixées à différentes voitures.
Jean-Paul Staub
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