Récit d’une aventure nocturne en RDA
Introduction :
Dans un article précédent vous avez pu lire le récit d’un Sous-Lieutenant effectuant des missions au profit du 2ème Bureau de Berlin racontant sa belle observation réalisée lors d’une patrouille à Berlin-Est, la veille de l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968.
Aujourd’hui le Blog vous livre le récit d’une « aventure nocturne » écrite par un ancien Sergent du 13ème régiment de Dragons Parachutistes durant son détachement à la MMFL. Sergent qui terminera sa carrière avec le grade de Capitaine au sein de ce magnifique régiment.
Le Général MANIFICAT dans l’article « Les sergents de Potsdam » publié dans le blog le 9 mars 2019 racontait cet épisode de la vie de notre belle Mission, où les sergents du 13ème RDP et du 1er RPIMa renforçaient les équipages de la MMFL en qualité de conducteurs.
Capitaine (er) SOLGADY : Récit d’une aventure nocturne en RDA
Hiver 1985/1986 – quelque part en RDA – Une Mercedes sécurisante – deux hommes, ou plutôt deux militaires - une mission unique : renseigner !! Tout est dit !!! (Enfin presque) …
Tout jeune Sergent sortant de St Maixent en mars 1984, tout jeune marié en août 1985, je suis désigné pour une relève à Berlin au sein de la MMFL ; qui plus est, je suis d’autant plus motivé que je vais remplacer mon meilleur ami de toujours (et encore à ce jour en 2024), j’ai nommé, comme on s’appelle réciproquement l’un et l’autre « mon frère », le Sergent Jean Claude DUMAS.
Quelques semaines après mon arrivée… c’était un samedi soir, comme tant d’autres durant ces 6 mois merveilleux passés à Postdam, en pleine Allemagne de l’EST à cette époque sous contrôle omniprésent des soviétiques…A la villa de Postdam gérée d’une main de maître par le Major BEAUJARD de l’Armée de l’air, les Sergents étaient loin d’être malheureux…Soudain le téléphone sonne… C’est pour moi ; je reçois un appel discret de Berlin pour « préparer le casse-croute » pour la soirée…
Une petite heure plus tard, la nuit est tombée…L’Adjudant-Chef BAYART, que j’appelle aujourd’hui mon ami Serge, du haut de ses 1,90m arrive à la villa dans une Mercedes bien préparée, prête comme ses deux occupants à s’aventurer en territoire « hostile »…. C’est parti pour une soirée, une nuit…. Voire plus si besoin.
On commence toujours « nos promenades » par cette petite gare de Satzkorn située à une dizaine de kms de Postdam car elle s’avère « généralement » être toujours productive en terme de rens…Mais là, rien de particulier.. On poursuit notre escapade nocturne vers d’autres villages et gares ferroviaires environnantes.
Soudain, en pleine campagne, on arrive à un passage à niveau rudimentaire avec feux rouges clignotant et barrières abaissées. Bien souvent, le timing entre l’abaissement des barrières et l’arrivée du train est assez conséquent…. Et là, ce sont deux énormes locomotives fumantes à vapeur qui semblent à bout de souffle (aucune notion d’écologie à cette époque), tellement elles tractent avec peine de bien nombreux wagons rustiques surchargés d’engins militaires bâchés et en prime, en queue de convoi, ce sont 6 obusiers 2S1 tout neufs sortis d’usine qui ferment la marche …. Sans hésiter, Serge veut et doit savoir A TOUT PRIX où vont aller ces nouveaux matériels.
Et c’est donc parti pour une folle nuit de poursuite à travers la campagne Est Allemande où nous allons devoir anticiper sur toutes les solutions directionnelles que va pouvoir prendre ce convoi d’exception. De par ses années antérieures et ses multiples missions, Serge connaissait parfaitement toutes les zones ZIP (zones interdites permanentes) et les ZIT (zones interdites temporaires) ; forcément, moi avec mes 3 mois de présence à la mission, un peu moins, mais je fais le maximum pour le seconder… On ne peut pas faire échec sur cette mission... Sinon, nous sommes « mauvais »…. Pas lol !!! En s’appuyant également sur la cartographie, nous tentons de devancer au mieux l’avancée du train.
Arrêts dans certaines gares, sans discontinuité de roulage dans d’autres…Bien malin qui peut savoir et dire précisément sa destination finale !!!??? Allez savoir !!! Dans certaines gares, le convoi est arrêté durant de longues minutes, voire jusqu’à 2 heures…Tous feux de la voiture éteints (discrétion de rigueur oblige), il faut être patient, attendre, attendre encore dans la Merco et surtout ne pas perdre le contact avec ce renseignement de tout premier ordre, bien évidemment. Mais la lenteur du train à contrario de la puissance et de l’agilité de notre amour de Mercedes laisse peu de chance au convoi pour qu’il puisse nous semer…Mais rien n’est jamais acquis dans le monde du rens…Du bon café encore fumant dans les thermos et des sandwichs préparés avec amour à la villa nous aident bien moralement à ne rien lâcher…et à passer la nuit sereinement, sérieusement, professionnellement ...
Et ce n’est qu’au petit matin, après une ultime poursuite et une belle nuit blanche que le convoi s’arrête aux abords des objectifs militaires de Nauen, à une trentaine de kms au nord/ouest de Potsdam.. On observe alors les premières chenilles de ces 6 2S1, chenilles encore toutes brillantes et luisantes sorties d’usinage qui en descendant des wagons-plateaux écrasent la boue et les nappes d’eau sur la piste à chars qui rentre dans la caserne …
Voilà encore le dictaphone de Serge + ses appareils photos et autre caméscope bourrés de renseignements de choix qui vont à nouveau inlassablement gaver la banque de données à Berlin.
Ce sont les traits du visage marqués par une nuit blanche mais la pleine satisfaction du devoir de la mission accomplie que nous regagnons la villa pour un bon petit déjeuner dominical bien chaud… Merci Serge pour ce beau souvenir en commun.
Sgt François SOLGADY
Commentaires :
Merci à François d’avoir transmis à Serge, membre du Conseil d’Administration de notre AAMMFL, ce vivant témoignage qui démontre combien un « passage » à notre MMFL marquait les esprits et était pour les jeunes sergents de ces brillants régiments une approche réaliste de la « menace » où chaque jour ils côtoyaient et « chassaient » les Forces Soviétiques et Est-Allemandes en évitant de se faire prendre. Il ne pouvait y avoir meilleur terrain « d’instruction et de formation ». Ces « sergents » se sont tous investis à fond dans leur détachement et c’était pour les « Missionnaires » un plaisir de travailler avec eux et de participer ainsi à l’instruction de ces soldats d’élite.
Pendant 4 mois, sans interruption, les « Villas de Potsdam » étaient leur « Royaume »….
Et ces « véhicules » si particuliers leurs « pur-Sang » aux « 1000 gadgets ».
Le Président de l’AAMMFL
Jacques Suspène
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