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En République Démocratique d’Allemagne (RDA) : Un arsenal de propagande.

Episode 2

Synthèse : Jacques Suspène

Avant-propos :

Cet article reprend comme dans l’épisode 1, beaucoup d’éléments d’un bulletin « Propousk » interne à l’AAMMFL (Amicale des Anciens de la MMFL) consacré à la propagande en RDA et/ou figurant, avec son aimable autorisation, dans le livre du Général MANIFICAT « Propousk ! » publié aux Editions LAVAUZELLE. Immense merci aux Généraux Jean-Paul HUET et Patrick MANIFICAT pour leurs écrits.

            Dans cet épisode 2, le Général MANIFICAT  apporte des  informations sur des secteurs particuliers dans différents domaines de « la vie est-Allemande » :

Un monde de faux semblant…

            En guise de décor…

            « Qu’il s’agisse d’expliquer l’invasion de la Hongrie ou celle de la Tchécoslovaquie, de commémorer les victoires du communisme ou la naissance d’un père fondateur du régime, une multitude de panneaux vient aussitôt relayer les organes de la Presse. La Propagande envahit alors aussi bien la ville que la campagne, les usines comme les casernes, et il est pratiquement impossible d’échapper aux affiches et à leurs slogans !

On n’a cependant pas l’impression que le citoyen est-allemand, civil ou militaire, y prête une grande attention. Cela finit tout simplement par faire partie du décor…

            Conditionné dès le plus jeune âge, habitué à tout regarder à travers un prisme de couleur marxiste-léniniste, le citoyen démocratique allemand finit par être blasé. Il fait semblant de croire au catéchisme de son parti unique qui ne cesse de lui répéter qu’il est né sous une bonne étoile, l’Etoile Rouge…

Les icônes des Etats-frères …

            Les partis-frères des autres pays communistes et les mouvements révolutionnaires du tiers monde ne sont pas en reste. Ils font également partie du rituel. Leurs fêtes nationales sont d’ailleurs sur le calendrier et leurs drapeaux sur les affiches.

Les puissances occidentales ne lui concédant ni droit à l’existence ni perspective historique, au moins jusqu’en 1972, la RDA est toujours sur la défensive. L’Etat ouvrier et paysan protègera donc la paix et le socialisme, à l’intérieur comme à l’extérieur. La population doit avoir l’impression de l’omniprésence de la RDA sur la scène internationale. C’est pourquoi le soutien des mouvements de libération nationale est orchestré avec le plus grand soin.

Frères d’armes et désarmement…

                           …et… 

La RDA accorde aussi une très grande importance au thème du désarmement. Elle soutient donc avec un grand déploiement de propagande toutes les initiatives soviétiques dans ce sens. Mais son engagement proclamé pour la paix et le désarmement va de pair avec le renforcement de ses capacités militaires offensives et l’enfermement dans ses frontières.

            Enfin, afin de rendre la présence des troupes russes sur son territoire plus acceptable, la DDR cultive le mythe d’une amitié germano-soviétique à toute épreuve, à commencer par les frères d’armes…       « Klassenbrüder – Waffenbrüder »  « Frères de classes – Frères d’armes »  « Schulter an Schulter » - « Epaule contre épaule »…

Tels sont les slogans répétés à satiété dans ce genre littéraire assez particulier.

La phraséologie des ouvriers et des paysans…

Le symbolisme révolutionnaire…

Un parti unique, le SED (Sozialistische Einheitspartei) dirige le pays sans partage. Mais les véritables héros du mouvement communiste sont les travailleurs. Propagande oblige, il s’agit de faire croire à la population que la RDA égale ou surpasse l’Occident dans les industries et les technologies de pointe. Tous les moyens sont bons et le symbolisme révolutionnaire va s’en donner à cœur joie pendant les 44 années de l’existence du SED.

Un casque sur la tête de l’ouvrier, un fichu sur celle de l’ouvrière, une phrase et un graphique suffisent généralement à la démonstration. Une colombe survole parfois le couple souriant. Emblème de la paix, elle est en effet devenue le symbole de la lutte contre l’impérialisme, et la classe ouvrière ne saurait l’oublier.

Des remerciements très émus…

            Les congrès du parti socialiste unifié allemand, organisés tous les quatre à cinq ans, sont présentés comme le summum de la vie sociale. A cette occasion, les travailleurs resurgissent pour remercier le Secrétaire général du SED du soutien généreux dont l’Etat fait preuve envers ses enfants et pour lui souhaiter beaucoup de succès à la tête du Parti.

Les visites des délégations communistes en RDA sont également annoncées et célébrées par voie d’affiches, et la célèbre citation de Marx « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » est  reproduite à grande échelle sous des formes variées : enroulée autour d’un globe terrestre ou brodée sur un grand drapeau.

Le bonheur est dans le pré du LPG…(la ferme collective)…

Combinats et LPG  proclament leurs performances. Le tout pour le bien-être du peuple et la satisfaction du grand timonier. Ils ne manquent pas de remercier le camarade premier Secrétaire « pour sa participation personnelle à l’élaboration et à la réalisation de la politique orientée vers le bonheur des hommes et la préservation de la paix. »

Passés maîtres dans la phraséologie consacrée, ils ajoutent généralement pour faire bonne mesure que « la population du district répond à cette juste politique ouvrière en atteignant les plus hauts rendements dans les différents secteurs de la vie sociale… »

La jeunesse…

Ironie du destin, cette jeunesse a été très active dans le processus d’écroulement du régime et de la RDA.

 Le sport-propagande…

Une fabrique d’athlètes…

            L’émulation socialiste devait inciter les travailleurs à produire davantage. Elle se traduisait par de nombreux concours dont les résultats étaient exploités par voie d’affiches, placardés tout particulièrement lors des journées festives du 1^er mai ou du 7 octobre, ou  pour l’ouverture d’un congrès.

Mais si l’on s’essouffle derrière son voisin de l’Ouest sur le plan économique, il faut au moins le battre dans le domaine sportif. Or la RDA est passée maître dans l’art et la manière de fabriquer des athlètes de haut niveau.

Chaque succès, et surtout chaque médaille olympique, est considérée comme un bon point dans le cadre de la lutte entre les systèmes.

            Des sommes colossales sont investies dans le Sport, meilleur ambassadeur de la RDA à l’étranger, et les manifestations sportives font l’objet d’une mise en scène particulièrement soignée.

Une exploitation politique…

            Les armées n’échappent pas à cette émulation. Elles constituent d’ailleurs un vivier pour les différentes disciplines.

            A en juger par la composition de l’équipe de volley-ball qu’elle opposait chaque année aux missions alliées,  la SRE (Section des Relations Extérieures du Commandant en Chef Soviétique) possédait, elle-aussi, l’art et la manière de constituer une équipe-fanion en n’hésitant pas à puiser dans toutes les unités du GFSA ( Groupe des Forces Soviétiques en Allemagne) afin de remporter un succès de circonstance, aussi écrasant que peu mérité, face à la demi-douzaine de missionnaires réglementaires et peu entraînés… Comme les athlètes civils est-allemands, les athlètes militaires soviétiques remplissaient aussi très bien leurs missions !

            On peut d’ailleurs épiloguer longtemps sur l’utilisation du sport à des fins politiques : embrigadement de la jeunesse ou saine occupation des temps de loisirs ? »

           Et la propagande même dans les cartes postales…

 Les blagues de l’Est…

Ne pouvant guère se distraire en passant ses vacances à l’étranger, le citoyen est-allemand ne perdait pas une occasion d’exercer son humour aux dépends de ses dirigeants ou de ses occupants. Il fallait bien garder le moral…mais toujours avec prudence et méfiance :

                                                         La Stasi était  ….    …..partout……

Traduits de l’allemand, voici quelques « blagues » authentiques face à la propagande :    

-       La Pravda coûte 4 kopecks (0,13 mark de l’Est). Neues Deutschland coûte 0,15 mark.

Pourquoi est-il plus cher ?

C’est à cause des frais de traduction

-       Que signifie S.E.D.(initiales du parti ) : So Endet Deutschland (Ainsi finit l’Allemagne)

-       Deux soldats, un Russe et un Allemand de l’Est, trouvent une cantine pleine d’or en creusant une tranchée dans la Letzlingerheide (province est-allemande).

Partageons fraternellement, dit le Russe.

Non, répond l’Allemand, je préfère moitié-moitié.

-       Un slogan modifié :

Mieux vaut se trouver poitrine contre poitrine avec la déléguée syndicale qu’épaule contre épaule avec le commandant de la garnison soviétique.

-       Toutes les trois semaines, quand le Secrétaire général Honecker va chez le coiffeur, celui-ci lui pose à chaque fois la même question :

Alors camarade, comment ça marche, l’économie en RDA ? 

Au bout de deux mois, Honecker s’énerve et finit par lui demander sèchement pourquoi il pose toujours la même question.

 C’est très pratique pour moi, camarade Secrétaire. Dès que je pose cette question, vos cheveux se dressent et sont ainsi plus faciles à couper. 

-       Deux Allemands de l’Est échangent leurs points de vue pendant un cours du soir de marxisme-léninisme.

A ton avis, pour parler des Soviétiques, doit-on dire : Peuple frère  ou Peuple ami ?

Je pense qu’il vaut mieux dire Peuple frère.

Pourquoi donc ?

Parce qu’on choisit toujours ses amis mais pas sa famille…

-       Honecker prononce son dernier discours au Congrès du Parti.

Qui est votre mère ? demande-t-il.

La RDA, répond l’assemblée.

Et votre père ?

Toi, camarade Honecker !

Et que voulez-vous devenir ?

Orphelins !

  Puis, « Le mur est tombé… »

Aujourd’hui, toutes ces affiches que nous avons photographiées sans y prêter grande attention, nous semblent les symboles d’une époque disparue. Le vocabulaire employé, les slogans martelés, les sourires figés faisaient partie de l’arsenal de propagande qui a environné les missionnaires pendant plus de 40 ans.

La RDA était le produit de la guerre froide. Elle a disparu sans tambour ni  trompette le 3 octobre1990. Avec elle, tout son rituel est passé aux oubliettes de l’histoire. Le motif de l’ouvrier, idéalisé et sublimé, a disparu le long des routes et à l’entrée des usines. Les portraits des mineurs, des fondeurs, soudeurs, bucherons ou agriculteurs ont été remplacés par des publicités tapageuses et les jolies femmes-mannequins qui y figurent ne sont plus vêtues d’un bleu de travail.

Sitôt tombé le mur a été détruit, à l’exception de quelques pans destinés à servir de musée pour l’édification des générations futures.

Commentaire personnel :

En reprenant ces paragraphes du Général HUET et du Général MANIFICAT et en revoyant ces photos de propagande qui bordaient nos routes de « Missionnaires », des souvenirs reviennent et je pense qu’il en sera de même pour les camarades de la MMFL qui liront cet article. Nous en faisions beaucoup de commentaires, très souvent ironiques et en plaignant les Allemands de l’Est qui subissaient en permanence ce matraquage bien loin de leur réalité quotidienne…parfois si triste et si morose avec toujours au-dessus de leur tête le glaive permanent de la Stasi….

Et quand le citoyen est-allemand allumait la TV de l’Ouest le soir…il « éteignait la RDA pour un petit moment » mais ce n’était pas sans risque. La Stasi malgré sa toute-puissance ne pouvait empêcher les ondes de traverser la frontière de la dictature communiste. Les chaines ouest-allemandes avaient renforcé la puissance de leurs antennes cependant certaines zones restaient « blanches ». Elles étaient dénommées « vallées des ignorants ». Nombre d’habitants de ces « vallées » redoublaient d’ingéniosité pour tenter de recevoir certaines chaines de l’Ouest. Les antennes modifiées étaient vite repliées et cachées dès la fin de l’émission regardée car l’on pouvait être suspecté « d’agitation antiétatique » et s’exposer à des sanctions.

(Ironie de l’histoire, quand le soleil frappait la boule de la Tour TV de Berlin-Est , se dessinait une belle croix, signe du Ciel…)

Cependant certains habitants de l’ex-RDA regrettent ces temps-là passés…et regrettent ces « nouveaux temps »….

            Je souhaite , pour ma part, que « ces nouveaux temps » nous éloignent à jamais de ce type de « Propagande ».

Jacques Suspène.