OPERATION « Lance-Pierre »
Rédacteur : Jacques Suspène
OPERATION « Lance-Pierre »
Une opération clandestine de préparation à la survie de l’estomac … exercice.
La préparation d’Opérations …clandestines demande aux équipages un temps de réflexion, de préparation, de concentration… d’une extrême intensité ….même s’il s’agit d’exercices d’entrainement à la survie…sait-on jamais.
Ce fut le cas pour l’exercice « d’initiative » pris par un équipage que je vais tenter modestement de vous raconter….de façon un peu romancée….
(Avant toute action :…Réflexion…analyse…concentration…)
(Le « Missionnaire » ici en photo est en profonde analyse de la situation sur le toit de la VGL. Il participera activement à cette opération. Toute délation nominative sera sanctionnée.)
Opération lance-pierre….
Dans des articles précédents, j’évoquais mes deux formidables « mentors-Air » que j’ai eus lors de mon premier séjour à la MMFL. Je me dois d’en ajouter un troisième au niveau de la section Terre et je pense que tous les « Missionnaires » de cette époque se souviennent de lui, l’Adjudant-Chef BRUNO. Nombreux ont déjà raconté ses exploits….et se souviennent de son fameux juron : « Ah ces putains d’oiseaux » qui s’adressaient aux « Sov », aux « Est-allemands » et à tous ceux qui se mettaient en travers de sa route lors des missions. J’ai eu la chance de réaliser de nombreuses sorties avec lui et il m’aimait bien. Un jour je glisserai dans un article comment, lors de l’une d’elles où j’étais son chauffeur, il a mis en fuite les « suiveurs de la Stasi locale » qui nous filaient le train…en abandonnant une partie de leur «fier mustang »…
Mais revenons à cette opération « lance-pierre » avec mes deux « mentors-Air » (au fil des prospections nous devinrent de vrais amis). La RDA, était une terre giboyeuse, non seulement pour les « Missionnaires » par son nombre impressionnant de chars, de camions, d’avions, d’hélicoptères, de radars de missiles de soldats, de vopos, de membres de la Stasi et plus encore… mais aussi par de vrais gibiers à plumes ou à poils.
En voici d’ailleurs un témoignage par un super Chef d’équipage Terre, le Colonel Henri JEANNEQUIN qui a écrit de nombreux articles dans le Blog et qui récemment me rappelait aussi la présence de « l’Œil d’Astérix » figurant dans notre si Bel insigne de la MMFL.
(Voici ce texte publié dans un document du général MANIFICAT et vous découvrirez plus bas qu’au retour de notre « opération lance-pierre » nous eûmes nous aussi un passage épique du Pont).
Avec comme chef d’équipage le capitaine André LALLEMAND (André), comme navigateur l’adjudant LAMILHAU (Jojo) et moi-même comme chauffeur-photographe, nous voici partis sur les routes de la DDR pour courir les radars, les « choses volantes » et tout ce qui pouvait s’agiter de couleur vert foncé ……et il y en avait bon nombre de ces « choses …» qui intéressaient tant nos Etats-Majors.
(Mes deux formidables « mentors », André et Jojo, à qui je dois tant.)
Comme de coutume, nous prenions, pour éviter nos farouches « courseurs » de la Stasi, de nombreux chemins de campagne, voire pas de chemin du tout, ce qui nous valait parfois des heures de treuillage, sport qu’aimait particulièrement mon « Jojo » et moi « l’arpette de l’équipage » je me devais de me montrer « encore plus qu’actif » si je ne voulais pas subir la foudre de mes « anciens »…
(Mes deux mentors en action.)
Ces cheminements nous permettaient de fréquenter assidûment comme l’écrit Henri : lièvres, renards, chevreuils, faisans, sangliers et autres, qui parfois semblaient nous narguer…voire se moquer de nos ennuis…
André, poète à ses heures, fin gourmet et bon mangeur, Jojo lui aussi appréciant les savoureux traditionnels repas fermiers et moi-même, chasseur devant l’éternel et l’étant encore, nous imaginions tous ces beaux gibiers accompagnés de délicieux assaisonnements. Mais tout bon « Missionnaire » devait tout faire pour préserver la carrosserie de sa VGL et sauf erreur de trajectoire de la part du gibier nous n’engagions pas de courses poursuites à risques …devoir et travail obligent.
Quand j’étais petit, il y a des siècles, mon Cher papa me disait toujours « dans ta musette, toujours de quoi chasser et pêcher », il est vrai qu’à l’époque la vie à la campagne permettait d’enfreindre certaines réglementations et permettait une nette amélioration de « l’ordinaire ». J’ai très longtemps respecté ces précieux préceptes paternels. Et mes compagnons « Missionnaires » de mes deux séjours se souviennent certainement que je respectais scrupuleusement les conseils de mon sublime Papa. Tout comme le souvenir des festins giboyeux préparés par mon extraordinaire Maman venait souvent exciter mes papilles.
Au fil des kilomètres en tout-terrain, en cette journée, les petits gibiers à poils semblaient de plus en plus nous narguer et en particulier les « longues oreilles », surtout les bien grassouillets…Mais la Mission primait et au fil des heures, notre musette d’objectifs atteints se remplissait. Aucune activité aérienne sur notre dernier objectif programmé ne se dessinait. Notre Chef d’équipage, après avoir consulté le grand manitou « Jojo », prit la décision du retour. La zone fut quittée, en toute discrétion, en « tout-terrain » et toujours selon le principe de base de laisser le moins de traces possible.
Loin de la zone d’activité, tout à coup un « capucin » (nom vernaculaire du lièvre, dixit un dictionnaire) vint nous narguer alors que pris par la densité des objectifs que nous avait fixés notre Chef-Ops, futur Chef de mission, nous n’avions pas pris le temps de la « pause casse-croûte » si précieuse pour tous « Missionnaires ».
Cette vision réveilla des souvenirs de bons « civets » à André et notre Chef, comme par réflexe stomacal, me demanda si mon arsenal de survie était bien dans ma « gamelle ». Ma réponse fut bien évidemment positive. Comment aurais-je pu mentir à mon Chef ! Les yeux de Jojo s’illuminèrent aussitôt et son âme de vieux traqueur prit vite le dessus sur sa sagesse légendaire. Avec entrain j’obéis et Jojo se dota de mon bijou de « lance-pierre » et de mes billes.
André, en bon Chef, distribua les rôles, Jojo excellent tireur, abonné de stands de tirs, fut désigné comme… « tonton flingueur ». Le Chef, comme directeur de l’opération « lance-pierre » et moi, l’arpette comme … rabatteur-plongeur. André et Jojo, me sachant joueur dans l’équipe de rugby du Quartier Napoléon, me dirent que ce serait à moi de courir après d’éventuels fuyards blessés. « Oui Chef…bien Chef … », en début de carrière « y’a pas à discuter ». Sur le plan opérationnel, la tactique est établie : André détectera l’objectif, je conduirai lentement, sans mettre ma ceinture afin de pouvoir jaillir de mon siège aux ordres de Jojo; la cible en joue, Jojo tirera ; André tentera de repérer la réaction du « bandit » au tir et sa trajectoire de fuite.
L’opération clandestine « Lance-pierre » ayant pour objectif le soutien moral de l’estomac du Chef est lancée…va t’elle réussir ? …
A peine quelques dizaines de mètres parcourus, une cible apparait ; instinctivement le tir se déclenche…et …loupé. Mais rien n’ébranle le moral de l’équipage. Il y a encore du chemin à parcourir avant la première route. Subitement la deuxième cible apparait…le tireur ajuste tranquillement et…. coup au but. Aucune peine pour récupérer notre « capucin » mais je ne m’aperçois pas qu’il saigne … tache moyenne de sang sur mon uniforme…
Puis les mêmes scènes s’enchaînent avec un score honorable mais, à chaque placage des fuyards blessés et à leur ramassage, du sang de plus en plus grande quantité recouvre mon uniforme. Aucun de nous trois n’y prête attention. C’est l’euphorie…dans la musette : six et des beaux, bien dodus….sentant déjà bon…et cela en peu de temps. Nous décidons de nous contenter de cela, car la couleur de mon uniforme ressemble de plus en plus à celle des vareuses des « Horses Guards » devant Westminster et je pense intérieurement au « passage du Pont des Espions ». Mais un septième apparait, nouveau tir instinctif de Jojo, mais bien que bousculé et saignant, ce capucin a la peau dure, il fuit. Avant qu’il ne rentre dans un champ de maïs je dois plonger sur lui comme sur un ballon ovale dans l’en-but……et c’est l’essai. Je maintiens bien plaqué contre ma poitrine ce ballon poilu. Je ne vois pas immédiatement les dégâts sur mon uniforme ; chemise et pantalon sont d’un rouge plus que vif. Mes deux compères sont écroulés de rire…moi un peu moins et même de moins en moins car je pense de plus en plus au passage du Pont.
André me rassure et me dit : « on passe à la « villa », un peu d’eau et hop « ton uniforme sera comme neuf »….tu parles « Chef »…On repart, tout est rangé, les capucins au fond du coffre sous le treuil, on roule tout en riant en pensant à la distribution. J’ai confiance en mes deux équipiers et on passe à la « villa ». De l’eau …et c’est pire ! Ma tenue dégouline de rouge.
Seule solution, m’enrouler dans les couvertures, me mettre à l’arrière et simuler être malade ……Ouf, tout se passe bien, la sentinelle soviétique semble même compatir et n’informe pas le Capitaine chef de poste de mon état.
Nous ne passerons pas faire le compte-rendu sommaire chez nos alliés ; directement nous rentrons à la Mission. A notre arrivée, interrogations des permanents qui rigolent de l’aventure mais nous leur demandons de garder le silence, ils auront droit à du civet.
Nos « capucins » furent rapidement dépecés, déposés dans nos frigidaires de l’Ouest et après quelques savantes manipulations cuisinières d’épouses de « Missionnaires » firent la joie des estomacs de leurs époux, des amis et comme promis .... de nos permanents.
Et 54 ans après …..que de souvenirs…..il est possible que nos anciens Chefs découvrent cette « opération lance-pierre » en lisant cet article. Ils en sauront peut-être plus lors de nos prochaines rencontres… sans nul doute, comme toujours, dans une superbe ambiance de franche et joyeuse camaraderie « Missionnaire » et qui sait autour …d’un délicieux civet.
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