secrets-de-la-guerre-froide

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Quand, parfois, « Les méchants gagnent » ….

Rédacteur : Claude TELLAROLI, observateur Air (1974-1978) et (1983-1987).

 

 

Quand la STASI avec ses « suiveurs » ou « coulots – narks – goons » surveille fort bien les Missions…

 

 

 

SURVEILLANCE D’UN EQUIPAGE « AIR » DE LA MMFL

 

 

Le présent article est constitué d’un extrait d’éléments des bulletins « Propousk » internes à l’AAMMFL (Amicale des Anciens de la MMFL). Ces bulletins ont été réalisés à partir d’articles rédigés par des adhérents puis mis en forme et commentés par les Généraux Jean-Paul HUET et Patrick MANIFICAT, anciens Chef et Chef Adjoint de la MMFL et membres de l’Amicale.

Avec autorisation, je reprends partiellement des commentaires parus dans la rubrique « le mot du Président » (à l’époque le Général HUET) et dans des articles rédigés par le Général MANIFICAT.

 

 

 

Petit rappel :  

 

(Nota : Sur la STASI, voir aussi les articles précédemment parus dans notre Blog: Epaule contre épaule en 2 épisodes et les 2 épisodes sur Erich MIELKE).

Le Ministère de la Sécurité d’Etat (Ministerium für Staatsicherheit - MFS) appelé communément STASI (abréviation de Staatsicherheitdienst) est créé le 8 février 1950. C’est le service de police politique de renseignements, d’espionnage et de contre-espionnage de la RDA. Son but principal est d’espionner les faits et gestes de la population est-allemande, de réprimer les oppositions politiques…et de contrer les Missions Militaires de Liaison de Potsdam.

 

Il faudra attendre l’avènement en 1957 du redoutable Erich MIELKE pour que la lutte menée par la STASI contre les Missions alliées devienne un véritable combat sans merci.

 

On ne soupçonnait pas à l’époque l’importance accordée aux Missions Militaires de Liaison Alliées par le régime Est-Allemand.

 

La STASI surveillera dès lors les membres des missions en commençant par leur localisation à Berlin Ouest, poursuivant leur surveillance et leur écoute dans les Villas de Potsdam et exerçant une filature étroite sur tout le territoire de la RDA.

 

Au début, les consignes de sécurité données par les Chefs de Mission successifs aux équipages ont été écoutées d’une oreille parfois distraite tant la menace paraissait le plus souvent diffuse et plutôt romanesque, au sens littéral du terme. En fait la réalité dépassait largement la fiction et la surveillance exercée directement ou par personne et/ou « équipement opérationnel » interposés était omniprésente, permanente et intrusive.

 

Qu’on en juge également par le soin et la minutie avec lesquels la STASI localisait les membres de la MMFL à Berlin-Ouest et activaient leurs « honorables correspondants » au voisinage de leurs logements dans les cités françaises.

 

Leurs comptes-rendus illustrés de photos dignes de paparazzi où les protagonistes sont aisément reconnaissables, montrent à l’évidence le savoir-faire des « suiveurs » de la STASI. Ils avaient au fil des ans, constitué un beau tableau de chasse des missionnaires ….. photographiés photographiant !!

 

 

 

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Photo prise par les membres d’un équipage de la STASI

 

 

 



Ni les membres de la section TERRE ni ceux de la section AIR ne seront épargnés par les rapports détaillés de nos impitoyables « suiveurs ».

 

 L’article qui suit retrace la surveillance d’un équipage AIR en mission d’observation d’activité aérienne. Mission toujours délicate car imposant une très longue période statique.

 

Ce qui m’a frappé à la lecture de ces comptes-rendus de surveillance, écrivait le Général Jean-Paul HUET (Chef de la MMFL), c’est l’étonnante proximité des chasseurs du MFS avec leurs proies.

 

Tout d’abord, un détail anecdotique mais révélateur, dans les textes originaux en allemand, les rédacteurs utilisent directement les appellations et abréviations des grades français.

 

Mais plus encore, un suiveur du MFS, dans ses commentaires, apprécie en vrai professionnel les comportements positifs et négatifs des missionnaires observés longuement en action sur un PO (point d’observation) : « les membres de la MMFL pénètrent apparemment sans précaution à proximité immédiate de l’axe d’approche….c’est à peine s’ils surveillaient leur environnement immédiat  et ils s’exposaient à être surpris du fait de l’exacte répétition de leurs mouvements au cours de leur activité…On peut estimer que dans ces conditions une arrestation se serait probablement déroulée sans problème…. »

 

Et il conclut en connaisseur : « cette surveillance a mis en évidence leur efficacité mais également leur imprudence ».

 

Et pourtant les missionnaires en question étaient d’excellents observateurs expérimentés, mais qui, comme bien d’autres, ont été victimes de la routine qui fait baisser la vigilance et négliger les règles de sécurité. Ils ont aussi probablement sous-estimé les capacités de l’adversaire. Ce n’est pas parce qu’on ne le voyait pas qu’il n’était pas là.

 

Notre métier de « Seigneurs » comme disent les Allemands à propos des hommes du renseignement, est bien celui pour lequel l’humilité est la première des vertus. Rien n’est jamais définitivement acquis.

 

Nota : Le documents allemand, ci-dessous, est reproduit in-extenso. La traduction française est intégrale et souligne par exemple, la méticulosité de nos suiveurs.

 

Quant au jargon et la forme des documents, employé par les rédacteurs de la STASI, n’allez surtout pas imputer sa lourdeur ou son opacité à nos courageux et fidèles traducteurs. 

 

Dans un souci de confidentialité, je précise que les noms des membres de l’équipage ont été volontairement modifiés.

 

 

Rapport de la STASI sur cette mission :

 

Traduction du document émanant des archives du BSTU (Behörde des/ der Bundesbeauftragten für die Unterlagen des Staatssicherheitsdienstes der ehemaligen DDR"  Littéralement : Administration du commissaire fédéral chargé de gérer les archives de la Sécurité d’Etat de l’ancienne RDA) : Traduction BStU 000011 - Potsdam le 13 août 1985.

 

Rapport d’observation du véhicule de la MMFL N° 38

Le 08/08/1985 à partir de 06.52 à 14.26 et le 09/08/1985 de 08.15 à 12.30

 

Equipage composé du Lt Alpha – de l’Adc Tango – du Sgt Roméo

 

DOCUMENTATION relative à l’activité d’espionnage de l’équipage du véhicule de Mission N° 38

 

08/08/1985

 

Le 08/08/1985 à 06.52 le véhicule de la mission, la VGL n° 38 (Air) sort de Berlin-Ouest par le Pont de Glienicke

 

District de Potsdam, Arrondissement de Nauen :

 

A 07.23 le véhicule est placé sous la surveillance de la Stasi à partir de la ville de Nauen, alors qu’il venait de la direction de Kiritz.  

 

A 07.25 le véhicule passe à Lietzow et à 07.33 à Pessin.

 

Le véhicule prend la route F5. La circulation est dense. Il est flashé à 120 km/h.

 

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Radar VOPOS en action

 

A 07.41 le véhicule passe à Friesack et à 07.45 coupe la voie ferrée Neustadt-Nauen. Il croise à ce moment un GAZ 66 carrossé radio, un bus avec des officiers à bord, et un Gaz 66 de la Kommendantura du GFSA.

 

A 07.50 le véhicule passe à Segeletz et à 07.54 à Wusterhausen.

 

A 07.57 le véhicule passe près de l’aérodrome agricole de Heinrischsfelde situé à gauche de la F5.

A 07.58 le véhicule atteint Kiritz.

 

A 08.00 le véhicule fait demi-tour à l’entrée de l’agglomération et prend la F103 en direction de Pritzwalk. Le véhicule augmente brusquement sa vitesse, il nous est impossible de le suivre. L’équipage est de nouveau pris en compte à Pritzwalk.

 

A 09.42 le véhicule arrive à Liebental et prend la direction de Wittsstock. Dans cette zone, nous savons que les membres de la Mission sont susceptibles de surveiller l’aérodrome du GFSA de Wittstock, ainsi que le polygone de bombardement de Rossow.. A leur arrivée sur le secteur il y a de l’activité aérienne par hélicoptères MI 6, MI 24 et avions de chasse dans la zone de l’aérodrome du GFSA de Wittstock.

 

Puis il est observé ensuite dans l’axe d’entrée du polygone de bombardement du GFSA (2) de Rossow, arrondissement de Wittstock.

 

Le véhicule de la MMFL disparait dans les bois et il n’est plus possible de savoir où il se trouve.

 

 

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                         Effacement des traces de pneus par deux membres d’équipage (Photo MMFL)

 

 

A 11.00, le véhicule est revu dans la localité de Stuer. Dans cette zone se trouve le polygone de bombardement de Retzow. Le véhicule est de nouveau non localisé avec précision, seule une trace de roue est relevée sur la route reliant Meyenburg à Frehne.

 

La trace mène au bois en (N 33 – 087 10 1500 – 12 800²) sur la route en direction de Frehne ; après environ 150 mètres la trace prend à droite, en lisière d’une autre partie boisée le long d’un champ de céréales. Une activité aérienne est en cours.

 

Des traces de pneus sont visibles à plusieurs endroits et laissent supposer que les membres de la MMFL ont quitté la zone en direction de Frehne.

 

A 14.26 Le véhicule est signalé à proximité de l’aérodrome de la NVA de Laage. Le véhicule de la MMFL échappe à notre surveillance. Il est impossible de savoir où l’équipage est caché.

 

 

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Camouflage de la VGL (photo MMFL)

 

 

 

 La surveillance sera reprise le 09/08/1985.

 

09/08/0985

 

A 08.15 des traces de pneus du véhicule de mission N° 38 sont visibles à proximité du polygone de bombardement du GFSA de Rossow.. Elles mènent à la route reliant Darsikow à Rossow, en direction de Rossow et tournent à droite à environ 1000 m avant Rossow dans la zone boisée en N 33-98 82-400-36-1300.

 

A 08.30 Le véhicule de Mission est signalé par une moto de surveillance. Le véhicule se trouve à la lisière d’un bois et d’un champ en N 33-98 82-400-36-1300. La porte du conducteur est ouverte et les occupants à l’intérieur du véhicule.

 

A 10.30 la surveillance des membres de la Mission se fait à pied. Le véhicule a été déplacé d’environ 5 m en direction de la lisière du bois et du champ, de façon à le camoufler presque entièrement. Il y a lieu de préciser qu’il s’agit là d’une corne de bois qui s’enfonce dans un champ de céréales. Dans le dos des membres de la MMFL se trouve une plantation de maïs, dense, à leur droite une haute futaie et à leur gauche le chemin vers Rossow (N 33- 98-80-1700-36-1800). On peut alors entendre des bruits d’avion au loin. Hormis l’ADC Tango, on ne peut pas voir les 2 autres membres de la MMFL.

 

L’ADC Tango se tient à environ 10 m du véhicule, il est équipé de jumelles à fort grossissement et observe le ciel et les alentours. Il porte une parka verte, un pantalon et une chemise d’uniforme claire. Il n’a pas de coiffure et la parka est ouverte.

                                           

Compte tenu des conditions de luminosité extrêmement défavorables à la photographie, leur activité d’espionnage devient compliquée. Notre dispositif d’observation à pied doit être modifié.

 

A 11.00 Les membres de la MMFL sont à nouveau sous surveillance. De la nouvelle position, on ne peut toutefois pas voir le véhicule. Le Sgt Roméo est couché sur le dos sous un bouleau à une trentaine de mètres du véhicule. Il est vêtu d’un uniforme clair et porte par-dessus la chemise un blouson de cuir sombre. Il n’a pas de coiffure. Il est équipé d’une caméra vidéo et d’un enregistreur à cassettes portatif. L’ADC Tango est assis sur le sol à une vingtaine de mètres de lui, équipé d’un appareil photo avec téléobjectif à grande focale. Dans la poche gauche de sa parka il a lui aussi un petit enregistreur à cassettes facile à manier. 

 

A 11.06 commence l’activité aérienne au-dessus du polygone de bombardement du GFSA de Rossow avec des SU 24 et des SU 19 qui, à des intervalles d’environ 5 mn, mènent des actions de tir au canon et roquettes. A chaque passage d’avions on note les actions suivantes :

 

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Photo figurant dans le rapport de cette surveillance de la STASI

    (Preuve que la vigilance se devait, pour les équipages, d’être permanente et sans faille ; pas toujours facile)

 

 

- couché sur le dos, le Sgt Roméo commence très tôt à filmer les appareils en approche. Il suit avec sa caméra la totalité des passes canon et roquettes ainsi que le dégagement et la montée en boucle. Simultanément aux actions du Sgt Roméo, l’ADC Tango prend des photos de toute la passe et fait part de ses impressions à son enregistreur. Pour ce faire, il pose l’appareil photo à ses côtés, sort l’enregistreur de la poche gauche de la parka et y parle en se tournant vers le Sgt Roméo. Il porte clairement son intérêt à l’approche, aux actions de combat, y compris les bruits de détonations, aux appareils en dégagement, ainsi qu’aux nuages de poussière soulevés par l’explosion des projectiles. Cette séquence peut remarquablement bien être observée de la position des membres de la MMFL. Il range ensuite l’enregistreur portatif et reprend l’appareil photo. Durant toute l’action le Sgt Roméo ne change jamais de position, contrairement à l’ADC Tango qui le fait presque après chaque passe. Il ne s’éloigne toutefois pas du véhicule, mais passe le plus souvent simplement du côté gauche du Sgt Roméo au côté droit.

 

 A 11.27 Les deux membres de la MMFL se relèvent et se dirigent vers la voiture. Ils se sont déplacés vers la VGL exactement au début d’une interruption des vols.

 

A 11.38 Un homme d’une cinquantaine d’année vêtu à la façon d’un paysan passe en vélo sur le chemin en direction de Rossow. En passant à hauteur des observateurs camouflés il lance un regard de colère. Il poursuit son chemin sans s’arrêter. Il est possible qu’il nous ait vu.

 

A 11.49 Le Sgt Roméo revient avec la caméra vidéo et son appareil photo, il se dirige vers sa position antérieure, mais revient en arrière et après 20m il disparait du champ de vision. Puis arrive l’ADC Tango équipé lui aussi d’un appareil photo.

 

A 11.50 un SU 24 fait une passe sur le polygone de bombardement et tire une roquette. A ce moment précis le Sgt Roméo se précipite avec son matériel photo. La séquence déjà décrite se répète de nouveau.

 

A 11.53 un des SU 24 tire deux roquettes

 

A 11.57 Survol d’un SU 24

 

A 12.00 les deux membres de la Mission se déplacent vers leur véhicule ; une interruption des vols a lieu.

 

A 12.19 un SU 19 survole la zone. Les deux membres de la mission arrivent en courant, vêtus de leurs pantalons clairs et de chemises d’uniforme à manche courte. Le Sgt Roméo a son équipement photo à la main et l’ADC Tango ses grosses jumelles autour du cou.

 

La séquence se reproduit, mais les avions ne sont pas photographiés, ils sont simplement observés par l’ADC Tango qui prend des notes sur un petit carnet.

 

A 12.22 sur le chemin en provenance de Rossow on voit un jeune passer en scooter (une Schwalbe bleue) (3). Il a environ 16 ou 18 ans, les cheveux blonds tombant sur les épaules. Il porte une veste camouflée (anciennement de la NVA) et un jeans. Il emprunte le chemin forestier où est camouflé le véhicule de la Mission.

 

Avant que la motocyclette ne soit visible, on a pu remarquer que l’ADC Tango et le Sgt Roméo se sont comportés de façon très étrange. Ils se sont jetés à couvert à genoux en se camouflant par rapport au chemin. Ce comportement ne s’explique que par l’arrivée du jeune qui s’est arrêté un instant à hauteur du véhicule de la Mission.

 

A 12.23 Un SU 19 survole de nouveau le polygone de bombardement. Les membres de la Mission restent couchés derrière leur camouflage.

 

A 12.24 l’ADC Tango se relève et se dirige vers le véhicule en cachant les jumelles derrière son dos. Le Sgt Roméo le suit, s’agenouille toutefois à une vingtaine de mètres du véhicule, en dissimulant soigneusement son équipement.

 

A 12.26 le scooter repart en direction de Darsikow. Immédiatement après on entend claquer deux portières de voiture. C’est le Sgt Roméo qui les a fermées. Il est possible que l’Adc Tango et le Lt Alpha se soient entretenus avec le jeune à l’extérieur du véhicule.

 

A 12.29 le véhicule démarre et emprunte le chemin vicinal de Rossow en arrachant les branchages qui camouflaient le véhicule.

 

12.30 Un SU 19 survole le polygone de bombardement. Les membres de la MMFL quittent la zone du polygone de bombardement par le chemin par lequel ils étaient arrivés et prennent la direction de l’autoroute A 15. Ils montent sur l’A 15 au point kilométrique 46.5 et continuent en direction de l’embranchement avec l’A 16. La surveillance est alors arrêtée pour que les membres de la MMFL qui roulent à une vitesse excessive en direction de l’embranchement avec l’autoroute’ A 16 ne puissent pas se rendre compte qu’ils étaient suivis.

 

                                                                                  

Appréciation du comportement des membres de la MMFL du véhicule N° 38 :

 

 

Les membres de la MMFL pénètrent apparemment sans précaution à proximité immédiate de l’axe d’approche du polygone de bombardement de Rossow. C’est à peine s’ils surveillaient leur environnement immédiat et ils s’exposaient à être surpris du fait de l’exacte répétition de leurs mouvements au cours de leur activité d’espionnage.

 

On avait l’impression que l’ADC Tango assurait la sûreté rapprochée du Sgt Roméo, sa distance au véhicule restant à peu près constante. Les membres de la MMFL n’étaient jamais assis côte à côte et échangeaient à peine un mot. C’est probablement par mesure de sécurité ou pour remplir d’autres tâches que le Lt Alpha est resté dans le véhicule. Leur comportement s’est modifié lors de l’apparition du jeune. On peut toutefois estimer que dans ces conditions une arrestation se serait probablement déroulée sans problème. Une partie de leur tactique a été clairement mise en évidence : attirer les forces de surveillance le premier jour en circulant beaucoup et en simulant des postes d’observation pour ne devenir actif que le second jour.

 

Cette surveillance a mis en évidence leur efficacité mais également leur imprudence.

 

La surveillance a eu lieu sans utilisation du canal 10 (4)

 

Signé « Rolf »

 

Potsdam le 13/08/1985

 

 

 

Commentaires du rédacteur de cet article :

 

L’équipage qui a subi cette surveillance a reconnu qu’à aucun moment, ce jour-là, il n’a perçu une once de présence des suiveurs de la STASI. L’équipage est resté en permanence sur ses gardes mais a été trop monopolisé par l’intense et importante activité aérienne qui se déroulait devant lui. 

 

Le relevé d’activité aérienne sur le polygone de tir de Gadow-Rossow était un des objectifs des plus intéressants pour les équipages AIR des Missions. Les activités étaient essentiellement basées sur des procédures de passes de tir canons, roquettes et bombardement.

 

La mission consistait au relevé précis des types d’avions et leur identification, la description aussi précise que possible des circuits, les passes de tir (procédure d’approche du champ de tir, altitude de tir, angle de tir, nombre de passages opérationnels…), les horaires précis d’activité, les passes fictives et réelles. L’ensemble étant noté à la seconde près sur bande magnétique avec prise de vues photos et vidéo.

 

Le rédacteur du MFS, dans ses commentaires, apprécie en vrai professionnel le comportement des missionnaires observés longuement en action sur un PO (point d’observation).

 

Ce rédacteur de la STASI émet dans sa conclusion l’hypothèse que la tactique de l’équipage était en partie d’attirer les suiveurs le premier jour pour les mettre sur une fausse piste… Cette conclusion est pour le moins surprenante. Une telle tactique était vouée à l’échec si l’on décidait effectivement de rester dans la zone concernée. Oui on pouvait « chauffer » une zone pour donner le change mais dans ce cas on se faisait oublier et on partait ensuite sur un objectif très éloigné de celui que l’on venait de « bruler ».

 

 

Les « champs de tirs » étaient des objectifs très sensibles pour lesquels, avant d’arriver sur le PO (point d’observation) les équipages effectuaient des approches comprenant plusieurs »coups de sécurité» (sortie d’autoroute discrète et rapide il n’existait pas de barrière de sécurité sur les autoroutes en RDA, matérialisée uniquement sur nos cartes au 1/25000 et nos « dossiers autoroute », balayage des traces de pneus sur les chemins sablonneux dans les bois lors des changements de direction aux intersections, plusieurs arrêts longs, vitesse réduite et…… oreilles tendues).

 

 Les approches de nuit étaient également fréquentes, avec progression tout feu éteint ou un seul feu allumé (les VGL étaient équipées de certains dispositifs particuliers), ou avec utilisation de jumelles à vision nocturne.

 

Malgré tout cela il est arrivé quelquefois, comme lors de la présente mission, que la STASI parvienne à localiser l’équipage avec précision et l’observer à son insu.

 

Au vu du rapport et des photographies prises par les suiveurs, il est évident qu’ils étaient très proche de l’équipage. Ils sont restés très discrets profitant sans aucun doute du bruit de l’activité aérienne pour progresser vers la VGL.

 

 

(1)   VGL : Voiture de Grande Liaison avec lesquelles nous exercions nos missions

(2)   GFSA : Groupement des Forces Soviétiques en Allemagne

(3)   Mobylette

(4)   On peut présumer que le rédacteur du rapport veut dire que le MFS n’a pas utilisé ce canal, sans doute pour ne pas prendre le risque d’être écouté par les missionnaires.

 

 

Commentaires du Président de l’AAMMFL :

 

Je remercie très vivement le rédacteur de cet article, excellent observateur, avec qui j’ai partagé, partiellement mais intensément, ses deux séjours et lors de très nombreuses missions.

 

Heureusement pour cet équipage, les Soviétiques ne sont pas intervenus. Cette journée aurait pu être réduite à néant et se terminer par un blocage suivi d’un « passage à la Komendatoura », si la STASI avait alerté les Soviétiques qui auraient très probablement, « neutralisés » par surprise les 3 membres de l’équipage. Heureusement pour cet équipage il n’en a rien été…sauf de se voir ainsi quelques années plus tard « sous les feux de la rampe ».

 

Comme l’écrit aussi le Général HUET dans « Propousk », la majorité des « incidents » sont la conséquence d’une faute de procédure, engendrée très souvent par l’exaltation face à un événement et par un excès de confiance. Et cela malgré les nombreux rappels de nos Chefs et de nos anciens :   

 

 

                « La routine tue » et « La confiance n’exclut pas le contrôle » :

 

Ce fut exactement le cas pour le blocage que j’ai subi et décrit dans un article du Blog (01.10.2019) « Ma 1ère expérience avec les Spetsnaz ».

 

Après un blocage je puis vous assurer, qu’ensuite vous prenez pleinement en compte ces devises dont la dernière était inscrite, en grand, au sommet des escaliers menant au secteur « opérationnel » de notre bâtiment « MMFL », au sein du Quartier Napoléon de Berlin-Ouest.

 

     Mais que notre métier de Missionnaires était passionnant…un métier de Seigneur.

 

Jacques Suspène.



19/09/2024
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